INTRODUCTION GENERALE
L’Etat, contrairement aux idées reçues, n’est pas une donnée naturelle, mais historique. Les services publics qui lui sont inhérents ne sont pas nés en même temps que lui. Ils sont comparativement à la notion de puissances publiques, relativement récents et chargés de nombre d’images et de principes qui expliquent la raison d’être de l’Etat, autour de l’idéologie d’intérêt général. Au delà de la contrainte, son apparition et la place qu’on lui assigne dans la société sont fonctionnelles. Mais, pour ne considérer que sa version moderne, des facteurs et déterminants varient, selon que l’on est en Europe ou en Amérique et font que la fonction d’intérêt général est remplie différemment bien que reposant tous sur les exigences de l’Etat de droit. Tout en poursuivant l’intérêt général (privilège du préalable, principe de continuité, expropriation pour cause d’utilité publique etc…), l’Etat ou le service public protège les droits de l’homme ou de l’usager (principe du contradictoire, recours pour excès du pouvoir, recours encore de pleine juridiction, sursis à exécution, principe d’indemnisation en faveur de l’exproprié avant la mutation de la propriété dans le cadre de l’expropriation pour cause d’utilité publique etc…)
I. DEFINITION, EVOLUTION ET CONSTRUCTION DE L’ETAT
II. ETAT MODERNE ET PUISSANCE PUBLIQUE
III. ETAT MODERNE ET SERVICE PUBLIC
IV. PRINCIPAUX PRINCIPES DE SERVICE PUBLIC.
V. PRINCIPAUX MODES DE GESTION DE SERVICE PUBLIC
L’Etat peut être défini comme une société politiquement organisée. Sa naissance est étroitement liée aux exigences de l’ordre social. L’entropie ayant, selon G. Balandier, menacé la société tant de l’intérieur que de l’extérieur a occasionné son apparition.
L’Etat n’est pas, cependant, présent dans toutes les sociétés politiques. Les Nuers du Soudan (E.Pritchard et M. Fortes) et certains villages des Buchmans d’Afrique du Sud (P.F Gonidec) ne l’ont pas connu. Pour ne considérer que le dernier cas, on y trouvait la présence de la structure politique à travers l’institution du chef dans un village : « seul agent public ». En outre l’Etat comprend une diversité des pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire, alors que le village ne compte qu’un seul agent public. La présence du chef ou de la chefferie ne signifie pas que l’administration y est présente. C’est la politique qui crée l’administration, « un état major administratif (Cfr. Weber) afin d’exercer les missions et les fonctions dans une société à forte stratification sociale, démographique ainsi que la multiplicité de problèmes.
L’Etat dans sa forme ancienne ne connaît pas d’animateur ou de gestionnaire professionnel (ce qui explique moins de recours ou non à la corruption entre le 6ème et le 4ème siècle avant Jésus-Christ, dans les cités démocratiques). Il repose sur une démocratie directe, (Cfr. Athènes), une structure dictatoriale basée sur les relais (seigneurs, aristocratie, noblesse etc. : structures féodales et monarchiques), sur des choix hasardeux et sentimentaux (élection) des responsables politico-administratifs ( Cfr. Athènes) et sur des guerres (Cfr Crise féodale), sur une multiplicité des centres politiques, le segemtarisme et le caractère petit du territoire ou de l’Etat (ex. Cité-Etat), la confusion entre le spirituel et le temporel (ex. Moyen-âge), le payement basé sur la nature ainsi que le patrimonialisme généralisé dans les Etats non démocratiques.
Jusqu’ici, seule l’expression de puissance publique y était remarquable. Celle de Service public était quasi-absente en raison du poids du libéralisme, idéologie politique ayant assigné à l’Etat le rôle d’assurer l’ordre, en enseignant que les activités sociales et surtout économiques s’autorégulent conformément aux exigences du marché : « loi d’offre et de la demande. » C’est l’époque d’or de l’Etat-gendarme, dans le discours idéologique.
II. ETAT MODERNE ET PUISSANCE PUBLIQUE
Depuis très longtemps, c'est-à-dire avant que l’Etat - Providence, ne se soit développé, la notion de l’Etat était exclusivement rattachée à celle de « puissance publique ». Il était assimilé aux actes de commandement, au travers de son administration régalienne (Police, armée, justice, administration fiscale etc.), comme pour signifier qu’il était souverain et qu’en plus, il avait la possibilité de produire des effets juridiques chez les particuliers, sans solliciter leur consentement. On sait qu’au nom de ladite puissance, il avait longtemps bénéficié de l’irresponsabilité civile bien avant le fameux arrêt Blanco de 1873.
Il est surprenant, de constater que l’analyse sociologique, se voulant réaliste, ne s’est pas débarrassée de cette image. On comprend, pourquoi le célèbre savant allemand M. Weber, lui donna la définition classique qui se réfère, à ses moyens spécifiques selon laquelle, « l’Etat moderne est une organisation politique qui a la chance d’exercer la violence physique légitime sur un territoire donné ». L’Etat était donc considéré comme une personne unique dont les relations avec les particuliers reposeraient exclusivement sur la force ou la contrainte, ou mieux sur les rapports inégaux en sa faveur.
En revanche, l’avènement de l’Etat – providence, au 20ème siècle, va révéler la double nature de l’Etat : il fonctionne non seulement comme puissance publique mais encore comme service public, mais à l’intérieur de celui – ci, il manifeste un certain dédoublement : service public administratif et service public commercial et industriel, à la suite du fameux arrêt Bac d’Eloka (1921). Lorsque l’administration poursuit uniquement l’intérêt général, elle relève de la première catégorie ; au contraire, si son action est déterminée par la réalisation du bénéfice, elle appartient à la deuxième catégorie. Dans le premier cas, l’Etat est régi par le droit administratif (droit public), dans le deuxième cas, il s’agit du droit privé ou commun. Concrètement, en cas de condamnation du service public administratif comme l’université de Kinshasa, on ne peut pas aliéner ou saisir ses biens. En revanche, la condamnation judiciaire d’un service public, commercial et industriel peut donner lieu à la saisie des biens non nécessaires au fonctionnement de l’entreprise (cour suprême de la justice 1984).
Pour votre information, cette différence portant sur le double régime juridique est propre aux Etats romano – germaniques, alors que les Etats anglo – saxons soumettent l’administration publique au même droit que les particuliers.
L’intérêt général qui est à la base du service public n’est pas compris de la même manière : la construction de l’Etat moderne en détermine l’orientation. Les Etats Unis pensent que l’intérêt général passe par la prise en compte des intérêts particuliers, alors que les Européens (France) pensent que l’intérêt général ne peut être atteint qu’en donnant d’abord satisfaction à l’intérêt public. L’intérêt de l’usager est donc secondaire.( Cfr. Chavallier).
Les enseignements de la sociologie historique de la politique nous permettent de comprendre que cette différenciation s’explique par le fait que les Etats européens ont construit leur Etat moderne, en tentant de se débarrasser des structures anciennes : féodalité, monarchie absolue : seul un pouvoir étatique fort, fondé sur le droit et l’intérêt public, pourrait promouvoir la liberté des individus.
Le droit spécial est un moyen de protéger le nouvel Etat contre l’éventuel retour des anciens pouvoirs et des relais intermédiaires. (Cfr. Badie et Birnbaum). Le droit administratif est donc monarchique (Cfr. Hauriou).
Les USA, étant une jeune nation et faute de structures anciennes, ont dû organiser leur Etat conformément à la volonté du plus fort dans la société civile, la bourgeoisie : celle – ci étant hostile aux inégalités s’était refusée à l’attribution d’un statut spécifique et privilégié où l’Etat ou l’administration publique en serait bénéficiaire. On comprend pourquoi, comme le particulier, il est régi par le droit commun.
Mais qu’il s’agisse du premier ou du second bloc, les rapports entre l’administration et les individus sont régis par le droit, considéré comme le moyen efficace pour lutter contre l’arbitraire au cœur de tout pouvoir déviationniste. L’usager se servira, selon le cas, du droit public ou commun pour faire prévaloir ses droits ; quant à l’administration, le service public doit fonctionner sur base des critères et des modes reconnus et rationnels. On retrouve ici l’idée selon laquelle, même poursuivant l’intérêt général, le service public n’ignore pas les droits de l’usager ou du tiers.
IV. PRINCIPAUX PRINCIPES DES SERVICES PUBLICS
Les principaux critères de services publics sont en général d’origine ou dus aux principes généraux du droit. Ils ont essentiellement été dégagés par Rolland et repris avec force par Latournière. Il s’agit principalement de : la neutralité, la continuité, la mutabilité et l’égalité. Il arrive cependant que la législation (droit positif) contienne des dispositions y relatives ; c’est le cas du principe de la neutralité des services publics invoquée dans les constitutions congolaises depuis 1990. Pour revenir aux différents critères, citons :
a) Continuité : le fonctionnement du service doit être continu et ininterrompu, le contraire pourrait entraîner les conséquences graves pour toute la communauté. Cela explique le fait que certaines catégories des agents de l’Etat (police, magistrats) voient leur droit de grève limité ou interdit purement et simplement. Comme l’Etat lui-même, le service public ne peut pas fonctionner « par à coups ». Le privilège du préalable, les institutions de suppléance et d’intérim, le principe d’expédition d’affaires courantes et l’autorité de fait relèvent des conséquences de ce critère.
b) Mutabilité ou adaptions : le service public doit sans cesse s’adapter aux besoins du moment : suppression ou suspension du service en cas de danger (par exemple, la pollution d’eau), revoir le prix en raison des contraintes du marché et du temps notamment. Le service public doit, en outre, prendre en compte les nouvelles exigences en matière de demandes sociales dans une approche systémique débouchant sur une politique publique à coût individualisé ou collectif sur fond de coercition.
c) Egalité des administrés devant le service public : il s’agit de dispenser ou de prêter des services à tous les administrés ou citoyens sans observer aucune discrimination de faveur (exemple tous les enfants doivent recevoir un même enseigenementen en classe ou à l’école, les établissements publics des soins doivent faire profiter ceux-ci de la même manière à tous les malades.) La démocratisation des services publics, la gratuité ou le coût réduit ainsi que l’octroi de la bourse pour les catégories sociales populaires participent de la promotion de l’égalité. Depuis les années cinquante, ce critère est intégré au droit positif.
d) Neutralité : l’action du service public doit être désintéressée et guidée par le seul moteur qui fonde et détermine son but : l’intérêt général. Le service public est tenu de fonctionner non pas pour satisfaire l’intérêt propre de l’entreprise ni de fonctionnaires mais pour l’intérêt général. Son action doit être désintéressée idéologiquement et politiquement. L’apolitisme, l’accès de toutes les tendances politiques au domaine de l’Etat et au service public ainsi que la rigueur des critères y relatifs en dépit de changements des régimes politiques renforcent la neutralité. (cfr. Lohata).
e) Supériorité des organisations territoriales
En plus des critères dégagés par Rolland, il convient d’ajouter le principe de « supériorité des organisations territoriales » sur les services publics fonctionnels ou par service. Le principe étant qu’il y ait ventilation entre chaque service public et un niveau de l’organisation territoriale. Ainsi, on a les services publics nationaux, régionaux et municipaux. Après cette harmonisation, il appartient aux responsables des entités locales territoriales d’en assurer la direction ou le contrôle, même sur le niveau qui lui échappe.
C’est ainsi qu’en France par exemple le maire d’une ville est de droit président du conseil d’administration d’un centre hospitalier universitaire installé dans sa juridiction.
En RD Congo, cette supériorité a été révélée d’abord dans les années soixante-dix, au travers du principe « d’unité de commandement » : dans sa circulaire du 27 janvier 1973, le Directeur du Bureau politique écrivait à l’attention des responsables des entreprises pour leur rappeler qu’ils ont l’obligation de faire un rapport de la situation de leurs entreprises aux représentants du pouvoir central dans la région : le Gouverneur.
Récemment encore, la loi sur la « décentralisation » du 21 décembre 1995, confie à l’autorité exécutive locale, conformément aux dispositions des articles 153, 154,155 les pouvoirs ci-dessous :
- de « coordonner les activités des différents services de l’Etat installés dans son entité et veille à leur bon fonctionnement » (art. 153)
- d’ « exercer sur le personnel de carrière des services de l’Etat le pouvoir disciplinaire »
- Il bénéficie et exerce « un droit de regard sur les cadres et agents des organismes étatiques et paraétatiques » etc. ;
- Pouvoir de réquisitionner leurs services (article 154),
- Enfin il dispose des services spécialisés (gendarmerie, garde civile et agents de services de sécurité) affectés dans sa juridiction, tout en ayant « sur eux, un droit de regard d’injonction avec possibilité de prendre à leur encontre des mesures disciplinaires conservatoires (art. 155) »
Dans le même ordre d’idées, la loi cadre du 22-9-1986 (loi n°86/009) portant régime général applicable à l’enseignement (maternel, primaire, secondaire, supérieur et universitaire) donne aux entités décentralisées un certain nombre de compétences sur les écoles maternelles, primaires et secondaires de leur ressort :
- pouvoir de gestion
- pouvoir d’affectation des chefs de la sous division régionales mis à leur disposition ;
- pouvoir d’affectation et de mutation de chefs d’établissements sur proposition du chef de division
- contrôle des établissements d’enseignement décentralisé, etc.
Il convient, cependant de relativiser cette supériorité, car la RDC comme l’indiquait un commissaire de zone d’une banlieue de Goma, au cours d’un colloque sur la décentralisation, organisé en 1996 par la Faculté de Droit de l’ULPGL, nombre de services, importants de l’armée (le SARM par exemple) échappaient réellement à son contrôle.
Tous ces critères déterminent la définition d’un service public bien qu’il existe des obstacles épistémologiquement considérables : malgré cela, outre l’apport doctrinal, nombre de critères dû à la diversité des sources (principes généraux du droit surtout, mais parfois la jurisprudence, le droit positif,…) ont été retenus pour identifier un service public :
- origine de l’organisme (création par voie législative ou réglementaire) ;
- contrôle assuré par l’Etat, ayant trait à l’accomplissement des tâches, au fonctionnement et à la dissolution de l’organisme : contrôle à la fois externe et interne ;
- critère de but (Cfr. Léon Duguit) qui doit être, enfin recherché dans l’intention du gouvernement ou du parlement : il appartient au juge d’en déterminer, en examinant divers indices ; en revanche, M Hauriou privilégie le mode concret de gestion, il a ainsi influencé la jurisprudence ( Cfr. Arrêt Bac d’Eloka de 1921) ;
- considération due à la détermination de la loi et de la décision judiciaire comme le font pertinemment observer Rivero et Waline, un texte peut affirmer le caractère commercial et industriel d’un service public sans qu’en réalité il en soit ainsi. Il appartient donc au juge (sauf s’il s’agit d’une loi) si ledit texte est réglementaire de soutenir l’idée contraire ; celle-ci doit prévaloir.
- Une fois que l’on est d’accord sur la détermination du service public, le problème n’est pas pour autant résolu. Il existe des interrogations au plan interne : tous les services publics n’ont pas le même statut. Alors même que les critères susmentionnés peuvent être satisfaits, les services publics ne présentent pas un même visage ; il en est également de la manière non seulement de leur fonctionnement mais encore du règlement des conflits les impliquant. C’est l’arrêt Bac d’Eloka qui va apporter une réponse remarquable à cette question. Avant cet arrêt, l’idée dominante était celle de service public différent de la théorie de la double personnalité. (Cfr. Chevallier). Ainsi, désormais les établissements publics à caractère commercial et industriel sont-ils régis par le droit privé, mais leurs dirigeants (comptables et responsables administratifs) sont soumis aux principes exorbitants du droit commun de même que les services publics classiques ou administratifs.
VI. PRINCIPAUX MODES DE GESTION DE SERVICES PUBLICS
En gros, les services publics sont gérés dans le cadre des formules suivantes : Régie, Etablissement public, concession et même des Ordres professionnels.
REGIE
La régie est une forme de gestion assurée directement par les agents de l’Etat ou de la fonction publique. La régie est dépourvue de l’autonomie de gestion et de la personnalité morale. Les ministères, la police, l’armée sont des régies et fonctionnent dans le cadre du budget national.
Certains services comme l’hôpital de GOMA, fonctionnaient tantôt comme régie : les agents de carrière sont régis par le statut de la fonction publique dû à la loi de 1981 (article 1 du ROI) ; tantôt comme forme de gestion conventionnée avec autonomie technique (art. 2 du ROI) : le gouvernement ayant conclu une convention avec l’Etat Italien.
Il arrive, cependant, qu’elles (régies) soient dotées de l’autonomie financière et même de la personnalité juridique. Il s’agit des régies créées dans le domaine économique et relevant particulièrement des entités locales municipales françaises : « la marge devient dès lors tenue avec l’établissement public » ( Cfr. Chevallier ). C’est cette logique que l’on observe dans des activités à caractère commercial et industriel en RDC, on leur accorde d’après J. de Burlet, autonomie technique, administrative et financière « en vue de faciliter leur gestion » ; elles peuvent même bénéficier d’une personnalité juridique mais sans « autonomie organique ». Le cas de la Regideso en a été, à cet égard, révélateur : voir moniteur congolais n°4 du 15 février 1967, (art. 3 et 17 de l’ordonnance loi n°66-460 du 25 août 1966). En réalité, les régies économiques bénéficient de l’autonomie de gestion et de la personnalité juridique. Malgré leur désignation en termes de régie, ce sont de véritables entreprises publiques commerciales et industrielles au sens de la loi cadre de 1978 ; pour nous la REGIDESO ou la RVA ne sont pas de régies au sens classique.
ETABLISSEMENTS PUBLICS
Ancien mode de gestion de services publics (avec la concession), les établissements publics constituent les seules unités administratives appartenant à cent pour cent à l’Etat et qui disposent à coté de celui-ci d’une autonomie de gestion et d’une personnalité juridique. Il s’agit d’une formule de décentralisation fonctionnelle/technique ou par service. Comme toute entité décentralisée, un établissement public (ancienne UNAZA, SONAS, OZAC, ONAPT, etc..) dispose d’une autonomie de gestion et d’une existence juridique indépendante de celle de l’Etat, tout en faisant partie de celui-ci ; ce qui lui permet d’esther en justice, d’avoir des droits, des obligations et des budgets propres. Personne morale, l’établissement public est représenté en justice ou en matière contractuelle par les personnes physiques qui le dirigent.
Malgré cette autonomie, les établissements publics sont sous la tutelle des ministères, de même que les collectivités locales décentralisées. Ils sont cependant différents de ces dernières : certains juristes doutent du caractère décentralisé des établissements publics en ce sens que les conseils d’administration ainsi que les autorités exécutives sont en général nommés ou désignés par le pouvoir exécutif (en RDC, par le président de la république), alors que ceux qui dirigent les entités locales territoriales décentralisées ont la légitimité d’origine électorale : suffrage universel direct ou indirect.
Ils sont de plusieurs ordres : culturel (UNAZA, OZRT), administratif (COPAP), social (INPP) et technique commercial et industriel (ONAPT, IGP). Contrairement aux établissements publics classiques (anciennement monopolistiques et gérant des biens ou services d’intérêt général comme l’éducation, la santé, etc.., les établissement techniques, commerciaux et industriels relèvent du droit privé. En France, seuls leurs dirigeants qui sont soumis au régime du droit public. C’est au début des années soixante- dix que ces établissements ou entreprises étaient développés au Zaïre. Leur importance dans l’économie du pays à la même période était grande. Ainsi, créée par l’ordonnance loi n°70-072 du 20 novembre 1970, IGP (Institut de gestion de Portefeuille), l’Etat, actionnaire unique matérialise le degré de l’Etat - providence à la zaïroise. Car non seulement cette institution publique « gérait les participations étatiques » mais exerçait un contrôle sur les sociétés ou mieux les organes de celle-ci. Déjà en 1973, l’IGP était présent dans 150 entreprises tant privées que publiques
Enfin, les établissements publics commerciaux et industriels sont différents des organismes d’économie mixte. Comme on l’a vu, l’Etat est l’actionnaire unique ou propriétaire du capital qu’il détient à cent pour cent ; alors que dans les organismes mixtes, il s’associe avec les particuliers (Cfr………………).
En France, il appartient à la loi de créer les établissements publics et au règlement de créer les services dans leur singularité et conformément aux types fixés par la loi. Le reste des services publics hors de la catégorie des établissements leur création relève du règlement.
Bien avant 1958, la création des services publics par la loi était le principe dominant afin de protéger la concurrence (Chevallier, Service public, op.cit).
En RDC, comme en France, les textes fondamentaux, d’abord celui de 1967 (modifié dernièrement en date du 5 juillet 1990) accorde à la loi la compétence de « créer des catégories des établissements publics » (article 87). Le domaine réglementaire est défini par le même article, alinéa deuxième. Les mêmes dispositions ont été reprises par l’ACT respectivement en ses articles 59, al 1 (domaine de la loi) et 61 (domaine réglementaire). Mais l’ACT parle des établissements publics et non des catégories.
En réalité, la création des services publics ne suit pas une ligne univoque. L’application des règles en la matière n’est pas claire. D’après le texte fondamental d’avant l’ACT, la création des types d’établissement public est un domaine de la loi. Lorsqu’on se réfère aux actes juridiques qui donnent naissance aux services publics autres que ces derniers. A titre d’exemple, on peut citer l’ordonance-loi n°74-013 du 10 janvier 1974 créant l’OZAC, l’ordonnance loi n°66/622 du 13 novembre 1966 ( et modifiée par l’ordonnance loi n°67/18 du 17 janvier 1967) créant encore la SONAS. C ’est là une forme d’usage administratif, source de droit administratif : il y a glissement ou confusion entre établissement proprement dit et la catégorie à laquelle il doit appartenir. Cette confusion a donné naissance à un usage administratif.
Enfin, malgré les efforts empiriques de J. Rivero et J Waline, il n’est ni aisé ni facile de séparer les entreprises publiques des services publics. En RDC, par exemple, la loi de 1978 régissant les entreprises publiques s’applique autant aux sociétés d’Etat qu’aux établissements publics particulièrement techniques, commerciaux et industriels (exemple, SONAS…). En RDC, c’est la loi cadre de 1978 qui régit les entreprises publiques.
Il arrive que certains services soient créés par voie réglementaire : le cas de l’ONAPT en constitue une illustration. Il a été créé par l’ordonnance n°86/210 du 12 juillet 1986.
Quant aux statuts lorsqu’ils ne sont pas définis par l’acte qui crée un service public, ils le sont généralement, par une décision administrative ou réglementaire fondamentale : ordonnance présidentielle. Les exemples étant légion, on peut, en guise d’illustration citer l’ordonnance n°78-219 du 5 mai 1978 portant statut d’une entreprise publique dénommée Office Zaïrois des Contrôles.
Par ailleurs, comme on l’a vu, la tutelle est un indice de la qualification d’un service de l’Etat ou public décentralisé, normalement, même si les usages administratifs prescrivent un contrôle hiérarchique sur le entités ou services décentralisés (c’est la loi n°95/005 du 21 décembre 1995 portant décentralisation territoriale et politique qui a mis fin à cette situation). Ce qui est propre en RDC c’est le phénomène de multiplicité des tutelles contrastant ainsi avec la tendance française actuelle : naissance des « autorités administratives indépendantes » comme la Haute autorité de l’audio visuelle, le médiateur etc. La SONAS Congolaise par exemple, est soumise à la tutelle à la fois des ministères des portefeuilles et des finances. Cette multiplicité de tutelle réduit le progrès de la décentralisation.
Par ailleurs, les organismes comme l’ordre des avocats ou des médecins, tout en étant considérés comme assimilés aux services publics, présentent un statut mixte. Certes, en RDC, ils relèvent du droit public, mais en droit comparé (France), ils ont un régime mixte : code de déontologie, inscription au tableau, recouvrement des cotisations auprès de leurs membres ainsi que les mesures disciplinaires les concernant sont du droit public, alors que le statut de leurs agents, leur patrimoine et régime financier relèvent du droit privé.
Quant aux entreprises mixtes congolaises, en raison de l’intérêt général de leur activités, l’Etat exerce un contrôle sur ces sociétés de deux façons : soit en ayant une participation majoritaire dans le capital, soit en édictant et « en fixant dans les statuts annexe à la loi de création, des règles qui permettent aux pouvoirs publics de modifier, ou même de supprimer à tout moment l’organisme ainsi créé en fonction de l’intérêt général ».
CONCESSION
Aussi vielle que l’établissement public, la concession est une forme de gestion contractuelle administrative par opposition au contrat privé. Ce contrat consiste pour l’Etat à céder au particulier « cocontractant- concessionnaire » une activité d’intérêt général afin que ce dernier l’exploite, pour une durée déterminée. Il se fait rémunérer grâce aux redevances payées par les usagers.
Le concessionnaire doit entretenir ladite activité conformément aux clauses exorbitantes du droit commun – propre au contrat administratif-, le non-respect de ces clauses peut entraîner des sanctions administratives à l’encontre du concessionnaire. Il s’agit d’une gamme de sanctions : la mise en régie, la folle enchère, les sanctions résiliatrices ainsi que les dommages et intérêts. Ces sanctions contrairement à celles qui sont en vigueur en droit privé, ne visent pas seulement la restitution de la situation juridique ou de fait antérieur, mais surtout le fonctionnement de l’activité. Le principe de continuité de service public oblige (Section précédente : critères…). C’est pourquoi un nombre important de prérogatives dont dispose l’Administration : modification unilatérale du contrat par exemple. A supposer qu’un préjudice en découle, où une charge supplémentaire, le concessionnaire n’a pas la possibilité de faire un recours pour excès de pouvoir. Seul le recours de pleine juridiction est recevable. Par ailleurs, le cahier des charges contenant les obligations des contractants en général et du concessionnaire en particulier n’est pas compatible avec les sanctions pénales.
Mais contrairement au concessionnaire, les usagers ont la possibilité de faire un recours pour excès de pouvoir, sur « la partie réglementaire, du contrat (pour sa méconnaissance par l’administration) : un ensemble de clauses de nature réglementaire, ayant trait à l’organisation et au fonctionnement du service, et qui pourraient figurer telles quelles dans un règlement de la part du concédant après avoir invoqué l’intérêt général. » ( Cfr. Rivero et Walline ).
DIVERSITÉ DES FORMULES
En plus des formules étudiées ci-dessous, l’Etat recourt à la diversité des modes pour organiser et gérer une activité publique. Outre sa participation dans les sociétés privées (Société mixte, …), il procède à des conventions dont les statuts sont multiples. C’est ainsi que les exemples de l’hôpital de GOMA (Convention entre gouvernements Zaïrois et Italien), du lycée Amani de GOMA encore font légion. Le lycée Amani fait partie de ce que l’on appelle au Zaïre « écoles conventionnées ». Considérant que l’éducation fait partie des activités d’intérêt général, l’Etat à la suite de sa philosophie politique (authenticité) a ramené au secteur public les écoles gérées par les Eglises. Apres l’échec de la gestion de cette question, il a inventé la gestion conventionnée.
Des éléments étrangers à la logique bureaucratique au sens wébérien étant nombreux, il convient seulement de se demander s’il existe encore un service public au Zaïre de Mobutu ou post-Mobutu (RDC) ?
CONCLUSION GENERALE : ECARTS ENTRE LES PRINCIPES ET LA PRATIQUE
En droit, les principes sont dotés d’une grande importance. Mais s’en limiter, reviendrait à enlever au service public la fonction sociale qu’ils sont appelés à remplir dans une société moderne c’est à dire divisée et hiérarchisée comme la RDC ; d’où il est fondé d’analyser les relations entre le discours juridique et la pratique sociale.
Discours juridique et pratique sociale
Les principes qui régissent les services publics sont tellement entourés d’idéologie d’intérêt général et de l’égalité que certains auteurs défendent l’idée que le service public n’existe pas, en tout cas, pas comme il se réclame dans le langage juridique, en RDC.
Si dans les pays comme la France , la bureaucratie, la lutte des classes et l’interventionnisme étatique constituent les principaux facteurs de la dérive ou de l’éloignement du service public de ce qu’il devrait être, il convient de souligner qu’au Zaïre ou en RDC en raison du sous-développement économique, de la corruption, de l’absence d’un pouvoir étatique institutionnalisé, il y a distanciation par rapport à la réalité ou mieux leur inexistence :
Ø Neutralité : le principe de neutralité sur lequel se fonde le service public est bafoué. C’est ainsi que l’OZRT / RTNC manifeste une grande partialité : non seulement l’opposition n’y a pas accès, mais encore il est utilisé par la majorité présidentielle pour combattre la première. Il devient un instrument de lutte pour conserver le pouvoir.
Dans le même ordre d’idées, les agents administratifs et militaires manifestent publiquement leur engagement politique en faveur de l’opposition et surtout de la mouvance présidentielle. Nombre de pratiques le montrent : marches et déclarations publiques, port d’effugie des leaders politiques dont on se sent idéologiquement proche, etc.
Ø Egalité : de même que le principes précité, l’égalité n’est nullement observée : certains quartiers des villes congolaises sont privées d’eau et d’électricité, alors que d’autres en sont fournis sans cesse et abondamment ; la Regideso et la SNEL excluent les premiers au profit des derniers. Les écoles et universités d’Etat sont devenues aussi payantes que les institutions sœurs du secteur privée : elles pratiquent des tarifs très élevés (en monnaie étrangère) qu’elles excluent du même coup les candidats relevant des catégories sociales modestes ou populaires.
Ø Continuité : comme les deux premiers principes, la continuité des services de l’Etat n’est pas assurée. Outre les absences au bureau des agents, il convient d’ajouter « l’institutionnalisation et la généralisation » de la pratique de la rupture des services administratifs. Ainsi, pour des raisons politiques et sociales (grève), il ne se passe pas trois mois sans qu’une école ou université ne soit fermée à la suite d’un acte administratif unilatéral dû aux autorités centrales, avant 1997. Ce qui prolonge de 2 à 3 ans, la scolarité des étudiants qui, au lieu de mettre 5 ans, pour l’obtention de grade de licencié, font souvent 8 ans.
Faute de médicaments ou d’instruments médicaux, les divers services hospitaliers et les salles d’opération restent généralement fermés.
Pour revenir à la distribution d’eau et d’électricité, des coupures intempestives interviennent souvent et irrégulièrement ; moins sont des notifications préalables.
Enfin, faute encore de salaire (traitement), les agents administratifs ne sont guère motivés : si, on n’est pas sûr de trouver un revenu parallèle au travail (prébende, concussion, corruption), on ne s’y rend pas.
Ø Supériorité des organisations territoriales : ce principe est théorique en RDC qu’il convient de l’interpréter relativement : d’après un commissaire de zone d’une banlieue de Goma, qui a participé activement au colloque sur la décentralisation organisé an Août 1996 par la faculté de Droit de l’ULPGL, le pouvoir des autorités exécutives locales n’est pas aussi important que l’on en croit car nombre d’unités comme le SARM (le Service d’Action et de Recherche Militaire) ne relèvent pas de son autorité. Ce qui était vrai hier, l’est encore aujourd’hui (RDC). En 2006, le bourgmestre d’une commune de Kinshasa a été fortement menacé par un procureur près la grande instance de son ressort.
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